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Scénographie interactive de Norma de Bellini
(Alain Bonardi/Nathalie dazin)

 


 Extraits …

Introduction (en français)

 

 

Commentaires sur la scènographie de l’acte I

 


Introduction (en français)

Nous présentons ici notre travail scènographique sur l’opéra romantique Norma de Bellini (1831), dans le cadre de représentations qui seront données à l’Ile d’Yeu en plein air les 16 et 18 août prochains.

Nous utilisons le principe d’éléments conçus par ordinateur (décor et doubles des personnages) projetés sur un écran placé de trois-quarts côté cour. Mais il ne s’agit pas seulement de projeter des éléments illustrant l’opéra, nous souhaitons créer un ensemble d’interactions entre le décar, le jeu des personnages et la musique, en partant côté ordinateur de descriptions suffisamment riches du point de vue syntaxique.

Nous nous inscrivons ici dans le cadre théorique des travaux du scènographe Adolphe Appia (1862-1928). Notre approche retient ainsi un certain nombre de ses postulats, tirés de son ouvrage La musique et la mise en scène (1895-1897), parmi lesquels :

  • La scènographie doit se déduire pour partie de la musique. Pour ce faire, nous utilisons le logiciel ALMA, permettant de créer en temps réel des éléments tri-dimensionnels à partir de descriptions musicales textuelles en GUIDO (développé par l’Université de Darmstadt, Allemagne). Ce langage très lisible, fondé sur des tags, des crochets et des accolades, permet de décrire de nombreuses propriétés musicales présentes sur une partition et absentes d’un format tel que MIDI, dont les notions d’accord, de dynamique, de phrase musicale et de répétition variée. Ecrit en C pour Macintosh, utilisant les librairies QuickDraw 3D et QuickTime, ALMA permet d’associer à ces entités des représentations variées, par exemple des constructions comme des tunnels à des lignes instrumentales, des variations d’éclairage à des variations harmoniques, etc. Le résultat peut être directement exporté vers le logiciel de création multimédia Director, sous la forme de fichiers texte directement utilisés comme scripts et de fichiers 3D. Un exemple est donné dans le paragraphe consacré à l’ouverture de l’opéra ci-dessous.
  • La nécessaire interaction entre musique, chanteurs et décor. Cette interaction est mise en ¦uvre grâce à un solveur de contraintes tournant sur Macintosh. L’ensemble des didascalies et des indications de mise en scène est traduit en un ensemble de contraintes entrées dans le programme, qui est alors capable de fournir différentes solutions en termes de placement des éléments sur l’écran (notamment les personnages projetés), conduisant les chanteurs sur scène à adapter leur jeu. Un exemple est donné dans la scène 5 de l’acte I.

A ces principes s’ajoute celui de l’acclimatation de l’oeuvre aux paysages de l’Ile d’Yeu, d’ouverture à la nature ambiante. De nombreuses photos de l’Ile d’Yeu ont servi sous forme d’éléments graphiques, de couleurs et de textures.

 

Commentaires sur la scènographie de l’acte I

Ouverture

L’analyse de l’ouverture de l’opéra conduit au schéma structurel suivant :

  • une partie A correspondant aux 20 premières mesures (du début au chiffre 1)
  • une partie B, dotée d’une organisation complexe de rondo varié (cf. schéma ci-dessous), du chiffre 1 au chiffre 7.
  • une partie C, sorte de coda, du chiffre 7 à la fin.

 

La structure de rondo varié de la partie B est plus particulièrement intéressante pour la scénographie.

En effet, le logiciel ALMA nous permet de créer une correspondance entre le schéma formel ci-dessus et un labyrinthe 3D dont les propriétés géométriques et de texture dépendent des caractéristiques musicales.

Acte I, Scènes 1 et 2

Dans la version de Norma proposée, ces scènes sont coupées.

Acte I, scène 3 et 4

Dans les scènes 3 et 4 de l’acte I, les druides gaulois, impatients de bouter les Romains hors de leur sol, interpellent Norma, seule qualifiée en tant que prêtresse à déclencher la guerre. Soucieuse de protéger Pollione, Norma repousse ces velléités belliqueuses et calme son peuple. Elle implore l’astre lunaire, intercédant pour la paix, pour détourner sa prière en requête amoureuse, souhaitant que Pollione cesse de lui échapper.

La scènographie va illustrer les thèmes suivants :

  • la guerre (rougeoiement de la forêt, déformation continue des arbres en glaives),
  • l’ambiguité des sentiments de Norma (apparition de Pollione dans le cercle lunaire).

 

 

 

 

L’embrasement de la forêt lié à la menace de la guerre et la déformation des chênes en glaives.

Acte I, Scène 5

Dans la scène 5, Adalgisa croit être seule dans la forêt. Ce lieu est pourtant celui où tous s’observent : Romains et Gaulois, hommes et femmes (cf. croisement des Gaulois et des Romains dans les scènes du début de l’ouvrage). Elle ne peut se défaire de son attirance pour Pollione et, désespérée, s’en remet au Dieu pour décider de son sort.

La scénographie insiste sur les apparitions de Pollione, toujours différentes d’une représentation à l’autre et toujours décalées (cf. l’introduction de cette page).

 

 

La forêt gauloise dans laquelle Adalgisa se croit seule, et les apparitions de Pollione.

 

 

Acte I, Scène 6

Au cours de la scène VI, Pollione surprend Adalgisa, qui est prise entre son amour naissant pour lui et son souhait de respecter les voeux de prêtresse qu’elle a prononcés. Pollione réussit, à force d’insistance, à faire promettre à Adalgisa qu’elle le suivra à Rome.

La scénographie insiste ici sur plusieurs points :

  • les scènes de duo, et notamment celle-ci, sont dans Norma des scènes de choix pour l’un des personnages sous la pression de l’autre. Si cette scène est le choix d’Adalgisa, la scène 3 de l’acte II sera le choix de Norma, et la scène 10 de ce même acte est celle du choix de Pollione. Nous souhaitons souligner l’idée d’un balancement lié à ces choix. Dans les situations de grande émotion,
  • la manipulation de la religion, de l’appel au Dieu et du rite au service des passions individuelles. Si Norma prend la parole au nom du Dieu dans le fameux « Casta Diva » pour protéger Pollione de la vengeance des Gaulois, Adalgisa, plus jeune, éprouve déjà quelques relations ambigues entre désir amoureux et aspiration spirituelle.

Notre choix s’est porté sur un petit temple en 3D, à la fois objet de vénération, d’investissement de sens et jouet des désirs des hommes, que l’on peut faire tourner comme une toupie à quatre faces (l’autel en Gaule, le temple de Vénus à Rome, la forêt gauloise et la mer). Objet dérisoire, mais auquel s’en remettent parfois les décisions des personnages. Ainsi, à la fin de la scène, Adalgisa accepte finalement de suivre Pollione, après avoir refusé de nombreuses fois. Cette décision n’est pas étrangère à l’arrêt du temple-toupie sur la face « Rome ».

Autour de ce temple tournent des planètes comme le Soleil et la Lune, symboles ici partout présents, et des icônes de personnages eux-mêmes devenus planètes, prisonniers de forces d’attraction.

 

 

 

Les quatre faces du temple : autel, mer, forêt et Rome.

 

 

 

 

Acte I, Scène 7

Dans la version de Norma proposée, cette scène entre Norma et Clotilde sa confidente n’est pas donnée. Un résumé de l’intrigue est diffusé.

 

 

Acte I, Scène 8

Aspiration amoureuse, souvenir de l’amour et amour du souvenir entremêlent leurs voix ici dans ce duo entre Norma et Adalgisa. Les fondus enchaînés soulignent l’ambiguité d’un rêve amoureux où deux femmes entrevoient le même homme.

 

 

Face à Pollione

 

Acte I, Final

L’art de nouer et tendre la situation que déploient les grands compositeurs d’opéra à la fin des actes d’exposition -très souvent sous forme d’ensemble vocal – raidit les personnages, les fixe sur une ligne vocale parfois obstinée, au détriment de leur incarnation et de leur vraisemblance physique. La scène devient un champ de forces qui s’exercent entre les personnages, qui sont comme des aimants s’attirant et se repoussant.

Toute finesse est ici vaine, seul compte le rapport de forces physique et vocal entre les personnages.

Dans cette perspective, à chaque personnage est associé une zone le représentant à la fois en mouvement et pris dans ses propres contradictions.

 

 

Les zones-personnages